Polémiques publiques sur les libertés académique et d'expression : impacts sur la pratique en enseignement élèves : une approche par la diversité des publics
Au cours des dernières années, un vaste débat sur la liberté d’expression en éducation s’est ouvert à la suite de controverses publiques et d’événements dramatiques, dont l’assassinat de deux enseignants de lycée en France, les accusations de wokisme ou les pressions exercées sur des enseignants et professeurs. Ce phénomène est de plus en plus préoccupant, notamment aux États-Unis, où en 2022, seize (16) États avaient fait adopter des lois visant à limiter les discussions sur les questions raciales dans les écoles et à interdire l’enseignement de la Théorie critique de la race au primaire et au secondaire, qui n’est, bien entendu, pas enseignée à ces niveaux (Lewis et Achampong, 2022; Le Bars, Le Monde, 2 juillet 2021). Quelles est la limite entre le dicible et l’indicible pour les enseignants ? Cette conférence s’intéresse aux responsabilités et aux limites à la liberté pédagogique des enseignants du primaire à l’université, ainsi qu’aux frontières avec leur liberté d’expression comme citoyen au regard du droit, des normes professionnelles et de la jurisprudence canadienne. L’enseignant a le devoir déontologique (LIP) d’agir de manière équitable, sans discrimination dans l’exercice de ses fonctions, avec réflexivité et proportionnalité dans l’exercice de sa liberté d’expression. Il doit donc être sensible aux incivilités, biais ou préjugés inconscients, et aux points de vue des apprenants issus de groupes minorés, en sachant distinguer une discrimination d’un sujet difficile qui peut heurter, mais essentiel aux apprentissages. De nombreuses études ont relevé des craintes chez les enseignant-es, qui évitent les sujets controversés et s’autocensurent. Aborder des polémiques publiques est inhérent à l’enseignement de certaines disciplines dès le secondaire, mais implique des conduites éthiques et responsables en tenant compte des éléments du contexte, afin de ne pas porter atteinte à la dignité des apprenant·e·s. Savoir quand et comment aborder certains sujets repose sur des savoirs pertinents socialement et scientifiquement, des savoir- faire pédagogiques et des savoir-être permettant de mieux « savoir-agir » en classe (Potvin, 2017). La communication discute d’abord de l’usage de ces polémiques comme « études de cas » dans la formation initiale ou continue des enseignants, notamment dans les cours de sociologie de l’éducation, en vue de favoriser leur compréhension de leurs responsabilités et des limites à leur liberté pédagogique, du primaire à l’université, ainsi qu’aux frontières avec leur liberté d’expression comme citoyen au regard du droit, des normes professionnelles et de la jurisprudence canadienne. Pour illustrer notre propos, nous analysons l’importante polémique survenue au Québec sur l’usage du mot Nègre en classe (ou « mot commençant par N ») par des professeurs de 3 universités, et les réactions que ces controverses ont suscité dans les médias au Québec. À partir d’une recension des articles dans les 5 grands journaux du Québec avec la base de données Eurékà, la conférence présente ensuite comment analyser avec les futurs enseignants l’agenda setting des médias et les cadrages des discours des acteurs en classe. Enfin, l’objectif est de développer leurs capacités à utiliser des stratégies en éducation aux médias, à la citoyenneté et aux droits pour ensuite analyser les discours sociaux avec leurs élèves, afin de questionner le rôle des médias dans la production de crises ou de « paniques morales » (Cohen, 2002 ; Dupuis-Déri, 2022 ; Potvin, 2008 a,b).