L’ inclusion dans les écoles publiques de la Békaa (Liban) : réalité ou fiction ?
Promulguée en 2000, la loi libanaise numéro 200 pose le principe du droit à l’éducation et de l’égalité à l’apprentissage de tout un chacun y compris les enfants et les adultes aux besoins spéciaux. A partir de 2016, le service public veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction et ceci en engageant quelques écoles publiques réparties de part et d’autre sur le territoire libanais. En 2018, la Human Rights Watch parle toujours d’inégalité et d’un système éducatif marginalisant malgré les mesures et le programme pilote instauré par le gouvernement et le ministère de l’éducation. Avec la survenue des crises sanitaire et financière à partir de 2019, on assiste à la fois à une désertification de l’expertise spécialisée dans l’éducation pour élèves ayant des besoins particuliers et à une frénésie de tarification des services de consultations ou d’encadrement. Les quelques établissements scolaires notamment publics qui se sont pliés à la demande de la Human Rights Watch (2018) se battent, tant bien que mal, pour rester « inclusifs » en intégrant au sein de leurs classes des personnes différentes de la « normale ».
En 2024, quel est le statut des écoles inclusives ? Le projet officiel d’un modèle d’éducation dessiné par le gouvernement serait-il plus proche de la fiction que de la réalité ? Pour ce faire, nous décrirons et examinerons, à travers le temps ( à partir de 2016 – date du lancement du projet,- jusqu’en 2023 en passant par l’année 2019 où tout commence à basculer au Liban ) l’application du programme d’inclusion dans les cinq écoles publiques de la Békaa ( loin de la capitale) chargées d’assumer une responsabilité d’une telle ampleur .
A partir d’entretiens adressés simultanément aux directeurs des écoles et à l’équipe pédagogique, nous commençons par une évaluation externe permettant, à partir d’indicateurs quantitatifs et qualificatifs, de diagnostiquer, de mesurer l’efficience voire l’efficacité de ce projet d’inclusion. Dans quelles mesures le programme mis en place offre-t-il l’opportunité aux élèves d’un apprentissage approprié capable de construire un « citoyen » ? En d’autres termes, cette stratégie éducative a-t-elle atteint ses visées depuis son implantation ? L’analyse SWOT ainsi que la méthodologie assurance qualité PDCA paraissent, à ces égards incontournables pour une évaluation- gestion / valeur. Elles nous permettent, en adoptant des postures herméneutiques, d’avancer des propositions stratégiques pour continuer à encadrer des individus fragilisés dans une classe aux côtés de leurs pairs.

Le Forum mondial sur l’éducation, tenu en mai 2015 à Incheon sous l’égide de l’UNESCO et ses partenaires, s’est conclu par la Déclaration d’Incheon pour l’Éducation 2030, un engagement historique de transformer la vie grâce à une nouvelle vision de l’éducation et à des actions courageuses et innovantes pour la réaliser. Le Cadre d’action Éducation 2030, qui établit cette nouvelle vision de l’éducation pour les 15 années à venir, a été adopté par plus de 180 états membres de l’UNESCO. Quatre ans plus tard, à la 9e Réunion mondiale de la Consultation collective des ONG pour Éducation 2030 (CCONG-Éducation 2030), qui s’est tenue en Tunisie en 2019, les organisations participantes ont affirmé que le monde est confronté à une crise éducative, causée par un manque de volonté politique, une faible priorisation de l’éducation et un financement insuffisant. De plus, elles ont constaté une tendance croissante à la commercialisation de l’éducation, ce qui contribue à creuser davantage les inégalités. Les systèmes éducatifs mondiaux ne semblaient pas respecter l’engagement pris dans le programme Éducation 2030. Le ministre de l’Éducation de la Tunisie d’alors avait, à la même occasion, souligné que la plupart des pays n’avancent pas suffisamment pour atteindre les objectifs fixés pour 2030. Il a appelé à une reconnaissance de l’importance stratégique de l’éducation pour toutes les nations et a encouragé la société civile à jouer un rôle majeur dans la mobilisation pour y parvenir.