Favoriser la persévérance des enseignants novices : quel apport des programmes d’insertion professionnelle ?
Dans plusieurs pays du monde, la pénurie d’enseignants qualifiés, la baisse d’attractivité de la profession et le décrochage professionnel précoce demeurent préoccupants (Darling-Hammond et Podolsky, 2019; Dupriez et al., 2023; Eurydice, 2021; Mukamurera et al., 2023; OCDE, 2020a). Face à cela, des gouvernements et institutions scolaires adoptent des orientations et initiatives visant à faciliter l’insertion professionnelle (IP) et à réduire l’attrition chez les nouveaux enseignants. C’est ainsi que des programmes d’insertion professionnelle (PIP) sont mis en place au Québec (Gouvernement du Québec, 2021; Mukamurera et Desbiens, 2018) et ailleurs dans les pays de l’OCDE (OCDE, 2020b). Une recension de recherches récentes (Mukamurera et al., 2022) indique un effet positif des PIP sur la persévérance avec une certaine variabilité selon leur qualité et l’environnement de travail. À la lumière des résultats de cette recension, notre objectif est d’analyser l’impact des PIP sur la persévérance des enseignants débutants et ce, en prenant en considération d’autres variables susceptibles d’avoir un effet sur la persévérance.
Notre étude adopte sur une perspective longitudinale et multidimensionnelle de l’IP (Mukamurera, 2018). Selon cette perspective, l’IP est un processus temporel (couvrant plus ou moins les 7 premières années d’enseignement) portant sur cinq dimensions complémentaires et interdépendantes, soit l’intégration en emploi, l’affectation spécifique et les conditions particulières de la tâche, la socialisation organisationnelle, la professionnalité et la dimension personnelle et psychologique. Quant au concept de persévérance, nous l’envisageons, à cette étape de la recherche, dans son sens subjectif, en tant que persévérance anticipée ou intention de maintenir son choix professionnel sur la durée.
Outre la prise en compte des diverses facettes de l’IP, l’originalité de l’étude repose sur une collecte de données à la grandeur du Québec, sur une comparaison entre les répondants ayant participé à un PIP et ceux qui n’y ont pas participé, ainsi que sur la prise en compte de l’impact des PIP en relation avec d’autres variables explicatives de la persévérance. Cette communication est basée sur des données de la phase 1 de la recherche, soit une enquête par questionnaire complétée en ligne entre avril et juin 2023 par 730 enseignants novices de tous les ordres d’enseignement. Les résultats des analyses de comparaisons de moyennes (test U de Mann-Whitney) et des analyses corrélationnelles font ressortir l’impact relatif des PIP sur la persévérance, en considérant plusieurs autres facteurs explicatifs tels que ceux liés à l’emploi, aux conditions de la tâche, au milieu de travail, au choix de l’enseignement et à la qualification pour enseigner. Ces résultats offriront des pistes d’action pertinentes pour les responsables scolaires, les acteurs de l’IP et les décideurs.

Le Forum mondial sur l’éducation, tenu en mai 2015 à Incheon sous l’égide de l’UNESCO et ses partenaires, s’est conclu par la Déclaration d’Incheon pour l’Éducation 2030, un engagement historique de transformer la vie grâce à une nouvelle vision de l’éducation et à des actions courageuses et innovantes pour la réaliser. Le Cadre d’action Éducation 2030, qui établit cette nouvelle vision de l’éducation pour les 15 années à venir, a été adopté par plus de 180 états membres de l’UNESCO. Quatre ans plus tard, à la 9e Réunion mondiale de la Consultation collective des ONG pour Éducation 2030 (CCONG-Éducation 2030), qui s’est tenue en Tunisie en 2019, les organisations participantes ont affirmé que le monde est confronté à une crise éducative, causée par un manque de volonté politique, une faible priorisation de l’éducation et un financement insuffisant. De plus, elles ont constaté une tendance croissante à la commercialisation de l’éducation, ce qui contribue à creuser davantage les inégalités. Les systèmes éducatifs mondiaux ne semblaient pas respecter l’engagement pris dans le programme Éducation 2030. Le ministre de l’Éducation de la Tunisie d’alors avait, à la même occasion, souligné que la plupart des pays n’avancent pas suffisamment pour atteindre les objectifs fixés pour 2030. Il a appelé à une reconnaissance de l’importance stratégique de l’éducation pour toutes les nations et a encouragé la société civile à jouer un rôle majeur dans la mobilisation pour y parvenir.