La différenciation pédagogique en contexte d'inclusion scolaire : qui sont les enseignants qui y ont recours ?

L’éducation des élèves présentant des problématiques particulières est un sujet d’actualité et représente un défi de taille pour les différents acteurs de l’éducation. Au Québec, les études épidémiologiques rappellent qu’en 1997-1998, sur le total d’enfants inscrits à l’éducation primaire dans le secteur public, environ 10% de cet effectif était en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage. Pour l’année scolaire 2006-2007 (près de 10 ans plus tard), ces élèves représentaient près de 14% de l’effectif scolaire au primaire. Aujourd’hui, cette même clientèle représente plus de 23% de tous les élèves (Gouvernement du Québec, 2022). Il s’agit donc d’une problématique actuelle qui persiste et s’amplifie dans le temps.
Ces élèves sont susceptibles de présenter certaines caractéristiques notamment sur le plan des apprentissages (manque d’autonomie, faibles performances scolaires, passivité devant la tâche, répertoire limité de stratégies cognitives, manque d’engagement et de persévérance, difficultés de langage, etc.) et sur le plan comportemental (présentent des comportements perturbateurs ou d’opposition, sont agités, se disputent avec leurs pairs, parlent en classe, attirent l’attention ou peuvent également adopter des comportements intériorisés soit du retrait, de la gêne de l’isolement ou de l’anxiété) (Godard, 2007; Goupil, 2007; Potvin, Fortin, Marcotte, Royer et Deslandes, 2007; Saint-Laurent, Giasson, Simard, Dionne, Royer, 1995).
Dans un contexte où l’école québécoise s’est donné le mandat de valoriser les différences et de favoriser la réussite de tous, une question demeure : quels sont les moyens pédagogiques dont dispose l’école actuelle pour intégrer efficacement et mener à la réussite les élèves présentant des besoins particuliers ? Au cœur de ce questionnement se trouve le concept de différenciation pédagogique. Bien que ce concept soit considéré par les chercheurs comme un des moyens à privilégier pour l’atteinte de ces objectifs (Astolfi, 2007; Przesmychki, 2004; Meirieu, 1992), les études sur le sujet démontrent que sa mise en place varie beaucoup d’un milieu à l’autre et que certaines caractéristiques propres à chaque enseignant peuvent jouer un rôle significatif et influencer la variabilité des fréquences d’utilisation de la différenciation pédagogique.
L’objectif de notre recherche consiste donc à identifier les variables contextuelles et personnelles susceptibles de caractériser les différents groupes d’enseignants du primaire en fonction de leur degré de mise en œuvre de la différenciation pédagogique. La construction et la mise en ligne d’un questionnaire a permis de recueillir les données relatives aux fréquences d’utilisation de pratiques pédagogiques différenciées auprès de 101 enseignants et de mesurer l’influence des variables contextuelles telles que la collaboration, la consultation de même que certaines caractéristiques personnelles telles que l’attitude face à la nouveauté et le niveau de scolarité. Les analyses de classification hiérarchique (cluster) de même que les analyses de variance multivariée (MANOVA) ont démontré que les enseignants qui ont un haut niveau de mise en place de pratiques pédagogiques différenciées sont ceux qui ont rapporté en tirer plus de bénéfices, se disent soutenus par leurs pairs, ont des attitudes d’ouverture face aux pratiques pédagogiques innovantes et ont tendance à plus consulter et à collaborer que leurs collègues qui à l’opposé, mettent en place peu de pratiques différenciées.