L'impact de l'Intelligence Artificielle (IA) dans l'enseignement supérieur : perceptions des enseignants et enjeux
Résumé :
Le développement des technologies de l’intelligence artificielle (IA) a le potentiel de révolutionner de nombreux domaines, y compris celui de l’éducation (Tupman, 2019). Ces avancées technologiques ont un impact sur l’enseignement supérieur (Zawacki-Richter et al., 2019), dans la mesure où les étudiants et les académiques ont commencé à utiliser des chatbots tels que ChatGPT, Bing Chat, Googl Bard et d’autres à des fins diverses (Rudolph et al. 2023). Les chatbots utilisent le traitement automatique du langage naturel (TALN) et les technologies de l’apprentissage automatique (machine learning) pour interpréter et répondre aux requêtes des utilisateurs de manière conversationnelle (Bradeško, Mladenić, 2012). Ils ont la capacité de comprendre le langage humain, ce qui les rend utiles dans divers secteurs.
Dans cette ère numérique en constante évolution, les enseignants cherchent à optimiser leurs pratiques pédagogiques afin de fournir un enseignement de qualité. Ils font face à la nécessité de s’adapter aux innovations technologiques (Picciano, 2012), y compris à l’intelligence artificielle, pour jouer leur rôle de médiateurs de savoirs et répondre aux besoins et attentes des étudiants.
Cette communication propose de questionner l’usage des outils de l’intelligence artificielle dans l’enseignement supérieur, en se penchant plus spécifiquement sur la perception des enseignants. Comment peuvent-ils adapter leurs méthodes d’enseignement à l’ère des chatbots ? Quels sont les avantages et les inconvénients perçus des technologies de l’IA ? Quels sont les défis et enjeux qui en résultent ?
Notre étude s’inscrit dans une approche qualitative reposant sur des entretiens menés auprès de 20 enseignants de l’enseignement supérieur. L’analyse du corpus a été réalisée en suivant une démarche de catégorisation thématique de contenu (Bardin, 2013). Notre réflexion s’appuie également sur une revue de la littérature portant sur l’intelligence artificielle et l’enseignement.
Il ressort de notre étude plusieurs éléments. L’intégration de l’IA dans l’enseignement supérieur représente une évolution inévitable, mais les enseignants doivent être prêts à relever les défis qui en découlent. Cela nécessite une volonté de formation continue, ainsi qu’une réflexion constante sur la manière de maintenir un équilibre entre la technologie et l’aspect humain de l’enseignement.
Intégrer les outils d’intelligence artificielle plutôt que de les bannir peut offrir une opportunité d’enrichir les pratiques enseignantes et l’expérience d’apprentissage. En combinant l’expertise pédagogique des enseignants avec les capacités de l’IA, il est possible de créer des environnements d’apprentissage plus personnalisés. Toutefois, les enseignants doivent se former et comprendre comment utiliser ces outils afin de répondre aux besoins d’étudiants de plus en plus familiarisés avec la technologie (Luckin et al. 2022).
Par ailleurs, notre étude met en évidence que l’utilisation de l’intelligence artificielle dans l’enseignement supérieur est un sujet complexe. Elle suscite d’importantes questions éthiques, notamment celle liées à la protection des données personnelles, au problème du plagiat, aux biais existants dans les données, à la transparence des algorithmes et aux potentielles erreurs commises par l’IA. Les enseignants insistent ainsi sur l’importance d’initier les étudiants à un usage responsable de cette technologie émergente et de les sensibiliser aux diverses problématiques qui peuvent en découler.
Le Forum mondial sur l’éducation, tenu en mai 2015 à Incheon sous l’égide de l’UNESCO et ses partenaires, s’est conclu par la Déclaration d’Incheon pour l’Éducation 2030, un engagement historique de transformer la vie grâce à une nouvelle vision de l’éducation et à des actions courageuses et innovantes pour la réaliser. Le Cadre d’action Éducation 2030, qui établit cette nouvelle vision de l’éducation pour les 15 années à venir, a été adopté par plus de 180 états membres de l’UNESCO. Quatre ans plus tard, à la 9e Réunion mondiale de la Consultation collective des ONG pour Éducation 2030 (CCONG-Éducation 2030), qui s’est tenue en Tunisie en 2019, les organisations participantes ont affirmé que le monde est confronté à une crise éducative, causée par un manque de volonté politique, une faible priorisation de l’éducation et un financement insuffisant. De plus, elles ont constaté une tendance croissante à la commercialisation de l’éducation, ce qui contribue à creuser davantage les inégalités. Les systèmes éducatifs mondiaux ne semblaient pas respecter l’engagement pris dans le programme Éducation 2030. Le ministre de l’Éducation de la Tunisie d’alors avait, à la même occasion, souligné que la plupart des pays n’avancent pas suffisamment pour atteindre les objectifs fixés pour 2030. Il a appelé à une reconnaissance de l’importance stratégique de l’éducation pour toutes les nations et a encouragé la société civile à jouer un rôle majeur dans la mobilisation pour y parvenir.