Transformations digitales et enjeux pédagogiques : quelle place, quelles missions pour l'université à l'ère des Digital natives et des fractures générationnelles ?
Comme toute organisation, au sens premier du terme, l’université n’échappe pas -ou ne devrait pas échapper- aux conditions de gestion et de management en vigueur au sein de l’entreprise en termes d’efficacité et de performance. Si l’organisation fonctionne selon le principe de lucrativité, l’université se veut plutôt comme une organisation dont la vocation est essentiellement sociale, du moins pour ce qui concerne l’université publique.
Cette particularité n’est pas la seule à relever lorsqu’il s’agit de comparer l’université avec l’entreprise. Une autre particularité, et non des moindres, provient de la nature même du rapport entre l’université et son public. Les ressources humaines de l’université sont de deux grandes catégories à savoir le corps administratif chargé du bon déroulement des études et du respect de la loi et des normes administratives et le corps professoral qui a pour mission de transmettre les savoirs, les connaissances et de former les étudiants en vue d’une insertion professionnelle, mais aussi dans le but de la régénération des cadres. Seulement, aussi nobles soient ces missions, elles sont galvaudées par des mutations (J.-F. Dortier, 2013) et des transformations largement sous-tendues par les grands bouleversements numériques que connaissent nos sociétés.
Beaucoup de défis émergent de ces bouleversements surtout quand la question est abordée sous le prisme des différences générationnelles que l’on peut constater entre les deux acteurs majeurs de l’université : le corps professoral et les étudiants. Si la tranche d’âge de ces derniers est plus ou moins stable et ne varie que peu au sein d’un groupe, il est évident qu’il n’en est pas de même quand on parle de celle des enseignants. Pour un enseignant, chaque année de service passée est un écart supplémentaire qui se creuse avec les générations d’étudiants qui ne cessent d’affluer. Ecart qui se traduit en attitudes et comportements différents pouvant constituer, en l’absence d’une prise de conscience, des différends. C’est un conflit latent favorisé par une perception et un usage différenciés du numérique ; là où les jeunes générations sont de plus en plus connectées et affichent un usage décomplexé des nouvelles technologies, le corps professoral, quant à lui, se montre plus réticent à l’usage des TIC dans le processus pédagogique avec des représentations et des interactions largement différentes.
Une étude empirique a été menée sur un outil spécifique mis à la disposition des enseignants-chercheurs et des étudiants. Il s’agit de la plateforme Moodle : son usage, son acceptation, son efficacité… Chaque item a bénéficié d’une étude univariée avec des tableaux croisés.
Parallèlement, nous avons, à travers notre propre expérience, interrogé les attentes des étudiants dans différents établissements universitaires pour constituer une image globale sur la perception et l’usage fait des nouvelles technologies de l’information et de la communication.
En somme, les résultats entre les deux publics participants montrent une divergence aussi bien dans la perception, les usages que dans les attentes. Si les nouvelles générations s’accommodent plus facilement avec les NTIC, notamment les Digital Natives, elles souffrent néanmoins d’une prise distance nécessaire au bon accomplissement des missions qui seront les leurs dans un futur proche. A l’opposé, ce manque est comblé par un degré de maturité élevé et par un esprit critique constant chez l’enseignant-chercheur. Parfois, c’est bien de la méfiance dont il s’agit avec une remise en question de tout le processus pédagogique, ce qui contribue à une divergence dans les fins et objectifs escomptés.
Mots clés :
Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication, génération, université, conflit, usage, formation.

Le Forum mondial sur l’éducation, tenu en mai 2015 à Incheon sous l’égide de l’UNESCO et ses partenaires, s’est conclu par la Déclaration d’Incheon pour l’Éducation 2030, un engagement historique de transformer la vie grâce à une nouvelle vision de l’éducation et à des actions courageuses et innovantes pour la réaliser. Le Cadre d’action Éducation 2030, qui établit cette nouvelle vision de l’éducation pour les 15 années à venir, a été adopté par plus de 180 états membres de l’UNESCO. Quatre ans plus tard, à la 9e Réunion mondiale de la Consultation collective des ONG pour Éducation 2030 (CCONG-Éducation 2030), qui s’est tenue en Tunisie en 2019, les organisations participantes ont affirmé que le monde est confronté à une crise éducative, causée par un manque de volonté politique, une faible priorisation de l’éducation et un financement insuffisant. De plus, elles ont constaté une tendance croissante à la commercialisation de l’éducation, ce qui contribue à creuser davantage les inégalités. Les systèmes éducatifs mondiaux ne semblaient pas respecter l’engagement pris dans le programme Éducation 2030. Le ministre de l’Éducation de la Tunisie d’alors avait, à la même occasion, souligné que la plupart des pays n’avancent pas suffisamment pour atteindre les objectifs fixés pour 2030. Il a appelé à une reconnaissance de l’importance stratégique de l’éducation pour toutes les nations et a encouragé la société civile à jouer un rôle majeur dans la mobilisation pour y parvenir.