La condition enseignante et ses vicissitudes
L’ébranlement des fondements historiques de l’enseignement et des formes traditionnelles du rapport pédagogique a ouvert la voie à une reconfiguration du métier et de ses modes d’exercice. Les mutations qui en découlent constituent une série d'”épreuves” susceptibles de mettre en cause autorité et légitimité, identités et professionnalité. Ces tensions peuvent se traduire par de l’épuisement ou de la résignation, de la souffrance ou du mal-être. Le désarroi auquel on aboutit est la résultante de différents facteurs : les routines et les habiletés d’antan ont vécu ; le fossé se creuse entre les satisfactions escomptées et les réalités de terrain ; la considération associée au statut du corps professoral ne cesse de décliner ; le rapport au savoir s’est complexifié et diverses sollicitations se manifestent : l'”apprentissage précoce d’une langue vivante”, les “NTIC”, le “fait religieux”, l”inclusion des jeunes handicapés”, l'”éducation à la santé, au développement durable, à l’interculturalité ou au respect d’autrui” ; les établissements entrent de plus en plus ouvertement en concurrence… Tous ces soubresauts ne sont pas les seuls éléments incriminés ; d’autres pressions – externes cette fois – existent, les regards des parents et de la société attestant d’une perte de reconnaissance, d’un moindre prestige et d’un véitable déclassement.
La surcharge de travail, les conflits ou les ambiguïtés de rôle, le sentiment d’inéquité ou de non-accomplissement, une formation initiale jugée inadéquate, un climat scolaire considéré comme délétère ou anxiogène alimentent, dès lors, les “discours de la plainte”, les nouvelles contraintes du management public ajoutant une pression supplémentaire.
Les enquêtes dont nous disposons à l’échelle hexagonale ou internationale (en particulier, TALIS, CVS, Baromètre UNSA…) le confirment. Ce brouillage des codes peut susciter différents types d’attitudes ou de réactions, elles-mêmes très fluctuantes. Vis-à-vis des élèves par exemple, plusieurs registres interfèrent : celui de la force et de la contrainte, celui de l’affectif et de la connivence ou bien encore celui de l’impuissance et du retrait. Dans d’autres circonstances, lorsque les contraintes organisationnelles deviennent trop pesantes, des conduites de contournement ou d’évitement, de détachement ou de fuite peuvent voir le jour.
Les réponses de l’institution, au-delà d’effets d’annonce ou de déclarations convenues, restent trop souvent fragmentaires. Cependant, dans certains académies dont celle de Besançon, des dispositifs de prise en charge du “décrochage enseignant” ont été mis en place et peuvent s’avérer prometteurs, comme nous l’avons montré dans plusieurs contributions (cf. infra). Nous illustrerons nos propos en prenant appui sur quelques-unes de ces expérimentations.
Références bibliographiques :
FERREOL Gilles (sous la dir. de) (2015), Itinéraires professionnels et discontinuités : le cas des “enseignants décrocheurs”, Rapport de recherche pour l’UNSA Education (avec le concours financier de l’IRES).
FERREOL Gilles (sous la dir. de) (2018), Education et bien-être, Louvain-la-Neuve, EME.
FERREOL Gilles (sous la dir. de) (2020), La Persévérance scolaire : expérimentations et dynamiques éducatives, Louvain-la-Neuve, EME,
FERREOL Gilles (sous la dir. de) (2021), Epreuves et limites, Louvain-la-Neuve, EME.