Comment le numérique est-il spontanément utilisé par des élèves québécois de 1re secondaire pour réviser-corriger leurs textes?

On sait que, dans la sphère privée, les élèves pratiquent quotidiennement l’écriture numérique, que ce soit sur les réseaux sociaux, les blogues ou dans des messages textes (DeVoss, et al., 2010 ; Penloup et Joannidès, 2014). On sait également qu’encore récemment, l’écriture manuscrite régnait en roi et maitre dans les classes du Québec, où l’ordinateur servait plus à saisir les textes qu’à les corriger (Chartrand et Lord, 2010). Dans ce contexte, peut-on légitimement s’attendre à ce que les adolescent·e·s développent, même informellement, les compétences nécessaires à la maitrise de l’écriture numérique, notamment sur le plan de la révision et de la correction?

En effet, le traitement de texte comporte plusieurs fonctions spécifiques, notamment d’ordre technorédactionnel (ex. : couper, copier), métascriptural (ex. : annuler/répéter) et métatextuel (ex. : annotation), qui peuvent réduire la charge cognitive associée au fait d’écrire (Anis, 1998), pour autant qu’on sache en tirer parti. En outre, dans un environnement numérique, les outils d’aide à la révision et à la correction, comme les correcticiels avancés, offrent d’autres possibilités. À un premier niveau, ceux-ci repèrent des erreurs et fournissent des justifications. À un second niveau, ils mettent en évidence une variété de faits de langue (ex. : fonctions syntaxiques) et, par-là, soutenir la révision-correction chez l’utilisateur·rice chevronné·e. Lorsqu’il·elle·s utilisent de tels outils, les élèves en viennent à pouvoir produire des textes considérés meilleurs (Bangert-Drownes, 1993 ; Goldberg et al., 2003 ; Graham et al., 2012 ; Graham et Perin, 2007; Grégoire, 2018; 2021). Mais une question demeure : à l’entrée au secondaire, les élèves utilisent-il·elle·s réellement ces outils, et le font-il·elle·s de façon optimale?

Dans le cadre de la recherche-développement Apprendre à corriger ses textes en contexte numérique, dans la discipline français : développement et mise à l’essai de stratégies de révision à l’intention d’adolescent·e·s du secondaire, nous avons cherché à décrire les pratiques spontanées des élèves de 1re secondaire (≈ 12 ans) à qui l’on demande d’écrire à l’écran en classe de français. De façon plus spécifique, nous avons cherché à décrire les outils et les stratégies qu’il·elle·s déploient pour écrire, réviser et corriger leurs textes au moyen du numérique.

Pour procéder à cette description, nous avons recouru à l’observation de séances d’écriture ainsi qu’à des entretiens d’explicitation. Nous avons enregistré les séances d’écriture de 24 élèves, afin d’y identifier 1) la nature de la modification apportée ; 2) le type de problème linguistique amenant une intervention ; 3) tout moyen ou tout outil numérique utilisé pour régler le problème ; 4) le résultat de la modification. Lors des entretiens d’explicitations, nous avons interrogé les élèves, notamment quant à leur représentation de la révision et quant aux opérations et aux outils qu’il·elle·s jugent importants.

Dans la présente communication, nous présenterons les résultats de cette analyse, ce qui nous mènera à établir différents profils de scripteur·rice·s en contexte numérique. Plus largement, l’interprétation des résultats nous mènera à réfléchir aux changements souhaitables concernant l’enseignement-apprentissage de l’écriture dans les systèmes scolaires francophones, notamment sur le plan de la formation des maitres.