Contexte d’exercice, rapport aux inégalités et postures : enjeux de la formation du personnel enseignant
Cette communication s’inscrit dans le deuxième objectif du symposium, soit celui d’ouvrir le dialogue entre personnes formatrices œuvrant dans différents contextes. Elle s’intéresse à comprendre les enjeux de la formation dans des contextes où le rapport du personnel enseignant aux inégalités prend différentes formes. Pesce (2023) distingue deux rapports au contexte en éducation et en formation, soit « le milieu comme ennemi » et « le milieu comme principal éducateur ». C’est ainsi que la communication se veut un espace pour explorer les tensions qui sous-tendent la formation du personnel enseignant dans un contexte donné. Le corpus sur lequel se base cette présentation est issu de deux projets de recherche menés entre 2018 et 2021 au Liban et au Québec, deux contextes radicalement différents sur les plans socioéconomique, démographique et politique ainsi qu’au niveau des conditions de travail et du statut légal des personnes participantes. Dans le cadre de ces deux projets, les équipes de recherche ont utilisé la méthodologie des récits de pratique (Desgagné, 2005) qui consistent en la narration, par une personne enseignante, d’une situation rencontrée en contexte de travail. Les données ont été collectées lors d’entretiens d’explicitation (Vermersch, 2017) d’environ 60 minutes. Pour les fins de cette communication, un corpus de récits de pratique de 10 personnes enseignantes a été sélectionné : cinq d’enseignantes au Québec qui accueillent dans leurs classes des élèves réfugiés originaires de plusieurs pays et cinq de personnes enseignantes au Liban, dont deux sont d’origine libanaise et trois d’origine syrienne, qui enseignent à des élèves réfugiés syriens. Pour analyser les données, nous empruntons à l’anthropologie les concepts d’outsider, d’insider et d’in-betweener (Marzo et Gomez-Perez, 2020; Milligan, 2026; Turner et Bélanger, 2020) utilisés auparavant pour décrire les positionnements des personnes chercheuses sur le terrain. Nous les adapterons aux postures des personnes enseignantes dont les récits ont été sélectionnés pour cette présentation. L’analyse progressive des données menée sur les 10 récits a fait émerger des préoccupations différentes et qui varient selon les différentes postures des personnes enseignantes et leur contexte d’exercice. Nous en discuterons donc tout en explorant leur rapport aux inégalités et de quelle manière ce dernier nous apparaît affecter leurs préoccupations sur le terrain. Nous conclurons avec des pistes de réflexion et de développement sur la manière dont il faut concevoir la formation dans ces contextes pour répondre aux besoins variés des personnes enseignantes et leur permettre de sortir, voire se libérer, des limites que leur imposent leurs postures et leurs contextes d’exercice.

Le Forum mondial sur l’éducation, tenu en mai 2015 à Incheon sous l’égide de l’UNESCO et ses partenaires, s’est conclu par la Déclaration d’Incheon pour l’Éducation 2030, un engagement historique de transformer la vie grâce à une nouvelle vision de l’éducation et à des actions courageuses et innovantes pour la réaliser. Le Cadre d’action Éducation 2030, qui établit cette nouvelle vision de l’éducation pour les 15 années à venir, a été adopté par plus de 180 états membres de l’UNESCO. Quatre ans plus tard, à la 9e Réunion mondiale de la Consultation collective des ONG pour Éducation 2030 (CCONG-Éducation 2030), qui s’est tenue en Tunisie en 2019, les organisations participantes ont affirmé que le monde est confronté à une crise éducative, causée par un manque de volonté politique, une faible priorisation de l’éducation et un financement insuffisant. De plus, elles ont constaté une tendance croissante à la commercialisation de l’éducation, ce qui contribue à creuser davantage les inégalités. Les systèmes éducatifs mondiaux ne semblaient pas respecter l’engagement pris dans le programme Éducation 2030. Le ministre de l’Éducation de la Tunisie d’alors avait, à la même occasion, souligné que la plupart des pays n’avancent pas suffisamment pour atteindre les objectifs fixés pour 2030. Il a appelé à une reconnaissance de l’importance stratégique de l’éducation pour toutes les nations et a encouragé la société civile à jouer un rôle majeur dans la mobilisation pour y parvenir.