Formation des enseignants et qualité du système éducatif tunisien
L’école tunisienne a changé de missions depuis que la scolarité est devenue obligatoire jusqu’ à 16 ans en 1991. Une nouvelle identité professionnelle a été assignée à l’enseignant (Tochan,1993) celle de l’animateur et du praticien, réflexif. A titre d’exemple, l’adoption d’une nouvelle approche pédagogique devraient affecter les pratiques enseignantes en classe en vue de s’harmoniser avec les nouvelles prescriptions. En effet, plusieurs articles (47, 57,67 et 68) de ladite loi invitent les enseignants à innover leurs pratiques pédagogiques à travers la formation puisque l’école devrait obligatoirement préparer l’élève à la poursuite de ses apprentissages. Les enseignants devraient permettre à chaque élève de progresser suivant son rythme. Il leur revient aussi, de se montrer inventifs en mettant en œuvre des pratiques pédagogiques à la fois rigoureuses et variées pour garantir l’égalité des chances à tous les élèves. Ce nouvel ordre de travail interpelle un travail sur les valeurs professionnelles qui sous-tendent ses pratiques et un haut degré d’efficacité personnelle (Bandura, 2007). Ainsi, La pédagogie du projet a été retenue comme principe organisateur de la mise en œuvre des programmes à la place d’une pédagogie traditionnelle frontale. Or, les travaux de Perrenoud (2001), ont montré que la part des actions pédagogiques des enseignants se fondraient n’ont pas sur les savoirs théoriques mais sur l’habitus. Elles dépassent le face-à-face pédagogique (Altet, 2003) ce qui fait que la transformation de ces pratiques ne se fait pas d’une manière mécanique car l’enseignant n’est pas un ensemble de compétences, ni un simple applicateur de principes théoriques mais, plutôt, une personne en relation et en devenir. Cette nouvelle identité professionnelle, nécessite de l’enseignant un travail sur soi par soi-même et un travail sur soi par autrui (Dubar, 2000). De sa part, Kaddouri (1999) a mis l’accent sur le rôle des stratégies identitaires adoptées par l’enseignant dans la conception et la mise en œuvre d’un projet professionnel qui lui permet de s’approprier la nouvelle identité en menant un réaménagement entre une identité acquise et une autre visée. Au cours de ce processus, l’auteur met en exergue le rôle de l’accompagnement professionnel assuré par les intervenants éducatifs (collègues, directeur, assistant pédagogique et inspecteur) à travers la formation comme facteur déterminant pour surpasser cette crise identitaire. Ceci nécessite une véritable transformation des représentations des enseignants relatives au métier et aux élèves (Boukhari, 2006) ce qui n’a pas eu lieu malgré les efforts consentis. L’objectif de cette communication visera à analyser les bénéfices de l’entrée par l’identité professionnelle des enseignants pour comprendre et agir sur leur(s) comportement(s) à travers la formation car l’un des défis de taille que l’école doit lever est d’assurer une certaine harmonie entre le développement professionnel des individus et le développement pédagogique institutionnel. Toutefois, la négligence de cette variable demeure l’un des facteurs principaux de la crise dont souffre l’école tunisienne depuis des années (UNICEF 2014).

Le Forum mondial sur l’éducation, tenu en mai 2015 à Incheon sous l’égide de l’UNESCO et ses partenaires, s’est conclu par la Déclaration d’Incheon pour l’Éducation 2030, un engagement historique de transformer la vie grâce à une nouvelle vision de l’éducation et à des actions courageuses et innovantes pour la réaliser. Le Cadre d’action Éducation 2030, qui établit cette nouvelle vision de l’éducation pour les 15 années à venir, a été adopté par plus de 180 états membres de l’UNESCO. Quatre ans plus tard, à la 9e Réunion mondiale de la Consultation collective des ONG pour Éducation 2030 (CCONG-Éducation 2030), qui s’est tenue en Tunisie en 2019, les organisations participantes ont affirmé que le monde est confronté à une crise éducative, causée par un manque de volonté politique, une faible priorisation de l’éducation et un financement insuffisant. De plus, elles ont constaté une tendance croissante à la commercialisation de l’éducation, ce qui contribue à creuser davantage les inégalités. Les systèmes éducatifs mondiaux ne semblaient pas respecter l’engagement pris dans le programme Éducation 2030. Le ministre de l’Éducation de la Tunisie d’alors avait, à la même occasion, souligné que la plupart des pays n’avancent pas suffisamment pour atteindre les objectifs fixés pour 2030. Il a appelé à une reconnaissance de l’importance stratégique de l’éducation pour toutes les nations et a encouragé la société civile à jouer un rôle majeur dans la mobilisation pour y parvenir.