La différenciation pédagogique pour répondre aux besoins diversifiés des élèves : à quelles conditions?
Depuis plusieurs années, les enseignants québécois ont le mandat de différencier leur pédagogie afin de mieux répondre aux besoins des élèves (MÉQ, 2001). Bien qu’elle concerne l’ensemble des élèves, dans les écoles primaires, la différenciation pédagogique est souvent mise en œuvre dans une visée de réussite scolaire pour tous les élèves et en réponse à la présence d’élèves à besoins particuliers dans les classes régulières.
Dans ce contexte, pour de nombreux enseignants, mettre en œuvre des pratiques de différenciation constitue un défi. En effet, ces pratiques requièrent de solides compétences à planifier, à piloter un enseignement et à assurer un suivi des élèves, à évaluer leurs compétences de même qu’à gérer efficacement un groupe-classe. Les ressources humaines étant limitées, les enseignants sont aussi constamment soumis à des dilemmes pour déterminer quels élèves auront ou non droit à un soutien supplémentaire en cas de besoin et sous quelle forme. C’est ce qui nous a amenées, dès 2020, à mener une recherche-action avec les enseignantes en exercice de 2e année (CE1), une orthopédagogue et une enseignante-ressource afin de 1) documenter la transformation de pratiques des participantes au regard de la différenciation pédagogique et 2) documenter les perceptions des participantes au regard des retombées de leurs pratiques de différenciation sur les élèves à risque et en difficulté.
L’objectif de cette communication est de faire état des conditions facilitant la mise en œuvre d’une différenciation pédagogique. Les résultats présentés ici sont ceux de l’année 2021-2022 et portent spécifiquement sur les pratiques enseignantes permettant de mieux répondre aux besoins diversifiés de l’ensemble des élèves.
Les données proviennent d’entretiens semi-dirigés, d’observations non participantes et des échanges ayant eu lieu lors des rencontres de recherche (5 journées par année scolaire). Une analyse qualitative thématique a été réalisée sur l’ensemble du corpus. Au terme de l’analyse, trois conditions ont été ressorties comme étant des facilitateurs pour mettre en œuvre une différenciation pédagogique. La première concerne la connaissance des besoins de ses élèves, notamment par le biais d’une meilleure compréhension de certains troubles ou handicaps. La deuxième a trait à la qualité de la gestion de classe de l’enseignante de manière à être en mesure de se dégager du temps pour offrir aux élèves qui présentent des difficultés à apprendre des interventions de niveau 2 en référence au modèle Réponse à l’intervention (RAI). La dernière renvoie quant à elle à la qualité de la collaboration et de la communication entre les enseignantes et l’orthopédagogue et l’enseignante ressource, notamment afin de permettre aux élèves qui présentent des difficultés à apprendre de transférer leurs apprentissages d’un contexte éducatif à un autre. Ces résultats sont finalement discutés et mis en relation avec les résultats d’autres recherches.

Le Forum mondial sur l’éducation, tenu en mai 2015 à Incheon sous l’égide de l’UNESCO et ses partenaires, s’est conclu par la Déclaration d’Incheon pour l’Éducation 2030, un engagement historique de transformer la vie grâce à une nouvelle vision de l’éducation et à des actions courageuses et innovantes pour la réaliser. Le Cadre d’action Éducation 2030, qui établit cette nouvelle vision de l’éducation pour les 15 années à venir, a été adopté par plus de 180 états membres de l’UNESCO. Quatre ans plus tard, à la 9e Réunion mondiale de la Consultation collective des ONG pour Éducation 2030 (CCONG-Éducation 2030), qui s’est tenue en Tunisie en 2019, les organisations participantes ont affirmé que le monde est confronté à une crise éducative, causée par un manque de volonté politique, une faible priorisation de l’éducation et un financement insuffisant. De plus, elles ont constaté une tendance croissante à la commercialisation de l’éducation, ce qui contribue à creuser davantage les inégalités. Les systèmes éducatifs mondiaux ne semblaient pas respecter l’engagement pris dans le programme Éducation 2030. Le ministre de l’Éducation de la Tunisie d’alors avait, à la même occasion, souligné que la plupart des pays n’avancent pas suffisamment pour atteindre les objectifs fixés pour 2030. Il a appelé à une reconnaissance de l’importance stratégique de l’éducation pour toutes les nations et a encouragé la société civile à jouer un rôle majeur dans la mobilisation pour y parvenir.