La liberté académique entre indépendance des enseignants et autonomie des établissements universitaires
Bien qu’elle s’est érigée en liberté constitutionnelle depuis l’adoption de la constitution du 27 janvier 2014, la liberté académique ne cesse de subir des menaces de toutes natures: politique, économique, religieuse, sociale et culturelle. La liberté académique des enseignants de l’enseignement supérieur est une liberté professionnelle nécessaire pour le développement du savoir et du pluralisme des opinions. Elle ne se limite pas à la liberté d’expression des enseignants mais elle la dépasse pour s’étendre à la recherche académique et à l’enseignement. La liberté académique a une double dimension: personnelle et institutionnelle. Au niveau institutionnel, la consécration de l’élection des structures académiques universitaires en vertu du décret-loi n° 2011-31 du 26 avril 2011 modifiant la loi n°2008-19 du 25 février 2008 relative à l’enseignement supérieur n’a pas conduit à consacrer une représentativité réelle des structures ni à promouvoir la collégialité dans la prise des décisions. Au contraire, telles que conçues les élections ont favorisé le clientélisme, le favoritisme et ont aggravé la désagrégation du corps enseignant et l’établissement de rapports de méfiance au sein de l’institution universitaire, ce qui n’a pas manqué d’avoir ses effets sur la responsabilité des enseignants et leur implication réelle et positive dans la vie de l’institution. En outre, les établissements de l’enseignement supérieur ont toujours souffert et souffrent encore du manque d’ouverture sur le milieu économique et social, de transparence et d’interaction avec l’environnement universitaire et social (V. Karim Ben Kahla, Réforme de l’enseignement supérieur et trappe de la mauvaise gouvernance universitaire en Tunisie, 15 décembre 2020). Baignant dans un environnement qui ne favorise pas la liberté individuelle ou collective de l’enseignant d’acquérir, de développer et de transmettre savoir et idées, les enseignants voient leur liberté académique s’effriter. Elle est sujette à toute forme d’ingérence. En plus, plusieurs obstacles les empêchent d’être au cœur des transformations rapides des modes de production et de transmission des connaissances scientifiques dans le monde. En conséquence, un grand nombre d’universitaires sont partis à l’étranger ou ont changé de carrière. Il est vrai que l’indépendance de l’enseignant est une question personnelle. Elle dépend de sa conscience et de ses compétences personnelles. L’indépendance des enseignants de l’enseignement supérieur nécessite que ces derniers soient armés de vertus intellectuelles et de vertus morales exigées par leurs profession sensible. Les garanties lors du recrutement et lors du déroulement de la carrière sont insuffisantes en soi pour assurer l’indépendance de l’enseignant. Mais sa mission, il ne peut la mener en toute impartialité et intégrité s’il ne bénéficie pas de garanties statutaires. Les rémunérations des enseignants doivent favoriser leur sécurité financière et les mettre à l’abri des pressions. Les rémunérations sont censées être en accord avec leurs fonctions et la nature de leurs activités. D’un autre côté, il est nécessaire de revoir le système de formation de base et continue. A la formation théorique qui intègre les valeurs universelles et la culture des droits de l’homme, une formation appropriée, continue et innovante en pédagogie devrait être assurée aux enseignants. Enfin, l’adoption participative de codes de déontologie professionnelle, peut favoriser les valeurs morales et éthiques et rendre à l’université sa qualité de foyer des valeurs de liberté, d’égalité et de rationalité.