La prise de décision pédagogique appuyée sur des données de sources multiples : analyse de la pratique professionnelle d’un praticien-chercheur
Problématique
Depuis plusieurs années, les chercheurs, les directions d’établissement d’enseignement et les enseignants à l’échelle internationale portent une attention soutenue quant à l’utilisation des données en éducation (Marsh et al., 2006). En effet, la recherche démontre qu’en contexte de communauté d’apprentissage professionnelle (CAP), l’analyse des données produites et disponibles dans les milieux scolaires (p. ex. résultats chiffrés, données d’observation), ce que nous appelons les données locales de sources multiples, améliore la prise de décision pédagogique, ayant par conséquent un effet positif sur l’enseignement et l’apprentissage (Bouchamma et al., 2019). Or, un enseignant-chercheur d’une école secondaire du Québec (Canada) a observé plusieurs éléments problématiques dans son milieu scolaire : 1) utilisation de données se limitant qu’aux seules données liées au rendement scolaire des élèves ; 2) absence de processus formels de prises de décisions pédagogiques) ; 3) des solutions informatiques inadéquates pour analyser des données de sources multiples ; 4) des décisions prises sur la base de critères individualisés et décontextualisés. Pour répondre à ces éléments problématiques, l’enseignant-chercheur a développé et implanté un processus de prises de décisions pédagogiques appuyées sur des données de sources multiples (PDPADSM) intégrant un outil intelligent d’aide à la décision conçu et développé en CAP.
La question de recherche : comment valoriser, dans le cadre d’une CAP, les données produites et disponibles dans le milieu scolaire afin d’améliorer les pratiques enseignantes et l’apprentissage des élèves ?
L’étude poursuivait l’objectif d’identifier les éléments impliqués dans la mise en œuvre d’un processus de PDPADSM au sein d’une CAP, une démarche considérée ici comme une pratique professionnelle.
Cadre conceptuel
L’étude est articulée autour de deux concepts clés : 1) la prise de décision appuyée sur les données ; et 2) la communauté d’apprentissage professionnelle.
Méthodologie
Cette recherche appliquée s’inscrit dans un enjeu ontogénique axé sur le développement professionnel du praticien « en tant qu’instrument principal d’intervention » (Van der Maren, 2014, p. 39). L’analyse introspective de l’enseignant-chercheur fut inspirée du modèle d’analyse de la pratique professionnelle de Paillé (2007). En somme, l’enseignant-chercheur a tiré des leçons issues des résultats d’une analyse en mode écriture et thématique de son corpus (Paillé et Mucchielli, 2016). Celui-ci était composé de notes et réflexions colligées dans un journal de bord et des comptes-rendus des rencontres de la CAP.
Principaux résultats et conclusion
L’analyse de la pratique de professionnelle de l’enseignant-chercheur a révélé sept éléments qui ont contribué à la mise en œuvre du processus de PDPADSM : 1) mobilisation des membres autour d’un objectif commun ; 2) acquisition d’un langage commun ; 3) compétences en matière de relations interpersonnelles ; 4) autoformation des membres ; 5) mise en œuvre d’un plan d’action différencié ; 6) réflexivité des membres ; 7) relation paradoxale des membres avec les outils technologiques.
D’un point de vue pratique, l’étude fournit des pistes d’action pour améliorer le fonctionnement des CAP. Sur le plan théorique, l’étude a permis d’identifier les éléments qui participent à la mise en œuvre d’un processus de PDPADSM, éléments transférables dans d’autres milieux scolaires.
Le Forum mondial sur l’éducation, tenu en mai 2015 à Incheon sous l’égide de l’UNESCO et ses partenaires, s’est conclu par la Déclaration d’Incheon pour l’Éducation 2030, un engagement historique de transformer la vie grâce à une nouvelle vision de l’éducation et à des actions courageuses et innovantes pour la réaliser. Le Cadre d’action Éducation 2030, qui établit cette nouvelle vision de l’éducation pour les 15 années à venir, a été adopté par plus de 180 états membres de l’UNESCO. Quatre ans plus tard, à la 9e Réunion mondiale de la Consultation collective des ONG pour Éducation 2030 (CCONG-Éducation 2030), qui s’est tenue en Tunisie en 2019, les organisations participantes ont affirmé que le monde est confronté à une crise éducative, causée par un manque de volonté politique, une faible priorisation de l’éducation et un financement insuffisant. De plus, elles ont constaté une tendance croissante à la commercialisation de l’éducation, ce qui contribue à creuser davantage les inégalités. Les systèmes éducatifs mondiaux ne semblaient pas respecter l’engagement pris dans le programme Éducation 2030. Le ministre de l’Éducation de la Tunisie d’alors avait, à la même occasion, souligné que la plupart des pays n’avancent pas suffisamment pour atteindre les objectifs fixés pour 2030. Il a appelé à une reconnaissance de l’importance stratégique de l’éducation pour toutes les nations et a encouragé la société civile à jouer un rôle majeur dans la mobilisation pour y parvenir.