Liban : Enseigner le français dans le supérieur, une profession en crise
Liban : Enseigner le français dans le supérieur, une profession en crise.
À une époque où les crises sont aussi graves que variées et parfois simultanées, comme c’est le cas au Liban, enseigner le français devient une profession peu attrayante, voire ingrate. Alors que l’inflation des prix enregistre, entre 2020 et 2022, un record inédit qui oscille entre 155% et 170%, l’heure d’enseignement à l’université se limite à une valeur qui varie entre 1 et 9 dollars américains. Vues les conditions difficiles dans lesquelles se retrouve la profession, nombreux sont les professionnels de la langue de Molière qui décident de trouver des solutions : s’engager en même temps avec plusieurs établissements universitaires, partir à l’étranger ou encore changer carrément de métier. Les titulaires, tout comme leurs collègues vacataires, semble-t-il, ne sont plus convaincus de leur mission.
Notre hypothèse part du fait que, suite aux crises simultanées et successives survenues au Liban, la situation des enseignants devient précaire et les pousse à chercher d’autres opportunités pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Si une intervention ne se faisait pas dans l’immédiat, cela pourrait être fatal à la place qu’occupe le français au Liban.
Notre problématique se formule selon les questions suivantes : Quel impact ont eu les crises survenues au Liban depuis 2019 sur l’enseignement de la langue française dans le supérieur ? Quelles interventions pourraient-on proposer pour remédier à la situation qui continue de dégénérer ? Quel serait le scénario éventuel si aucune solution ne s’avérait envisageable ?
Pour répondre à ces questions, nous proposons de mettre en place une enquête par questionnaire à destination des enseignements du français à l’université afin de mieux comprendre comment les différentes crises survenues au Liban les ont impactés. L’objectif de cette étude empirique vise à montrer les changements au niveau des conditions de travail des professeurs avant, durant et après les crises et leur lien avec leur motivation. In fine, nous cherchons à identifier des solutions pratiques et réalisables qui répondraient à de réels besoins du terrain.

Le Forum mondial sur l’éducation, tenu en mai 2015 à Incheon sous l’égide de l’UNESCO et ses partenaires, s’est conclu par la Déclaration d’Incheon pour l’Éducation 2030, un engagement historique de transformer la vie grâce à une nouvelle vision de l’éducation et à des actions courageuses et innovantes pour la réaliser. Le Cadre d’action Éducation 2030, qui établit cette nouvelle vision de l’éducation pour les 15 années à venir, a été adopté par plus de 180 états membres de l’UNESCO. Quatre ans plus tard, à la 9e Réunion mondiale de la Consultation collective des ONG pour Éducation 2030 (CCONG-Éducation 2030), qui s’est tenue en Tunisie en 2019, les organisations participantes ont affirmé que le monde est confronté à une crise éducative, causée par un manque de volonté politique, une faible priorisation de l’éducation et un financement insuffisant. De plus, elles ont constaté une tendance croissante à la commercialisation de l’éducation, ce qui contribue à creuser davantage les inégalités. Les systèmes éducatifs mondiaux ne semblaient pas respecter l’engagement pris dans le programme Éducation 2030. Le ministre de l’Éducation de la Tunisie d’alors avait, à la même occasion, souligné que la plupart des pays n’avancent pas suffisamment pour atteindre les objectifs fixés pour 2030. Il a appelé à une reconnaissance de l’importance stratégique de l’éducation pour toutes les nations et a encouragé la société civile à jouer un rôle majeur dans la mobilisation pour y parvenir.