Quelle Formation initiale et continue des enseignants pour une meilleure transposition didactique de la lecture littéraire en classe de français au secondaire ?
Depuis quelques années, la question de la formation initiale et continue des enseignants de français est au cœur des préoccupations des décideurs en Tunisie mais aussi d’un grand nombre de pays.
Nous nous proposons ici de réfléchir sur les savoirs, les savoir-faire, les compétences et les pratiques d’enseignements que les enseignants de français sont censés maîtriser pour inciter leurs élèves à lire les œuvres littéraires. Faire apprendre à des élèves- majoritairement démotivés ou qui n’ont pas l’habitude de lire –l’expression d’un « jugement de gout motivé » et celle d’un « jugement de valeur argumenté » en classe de littérature nécessite à notre avis aussi un apprentissage à compter au nombre des activités de la classe et de formation des professeurs ou des futurs professeurs de français en lecture littéraire ( J-L. Dumortier, M. Dispy, J. Van Beveren, 2011).
D’après les résultats d’une enquête de terrain que nous avons mené nous-même dans le cadre d’une recherches en didactique ( N. Mbarek, 2011), les enseignants de français en Tunisie ne reçoivent pas d’offres de formation mais des convocations et dans le plupart des cas, ils sont abandonnés à leur sort puisque 75 % d’entre eux n’ont pas été formés dans le cadre de leur profession depuis au moins une année et demie.
Le discours pédagogique actuel du Ministère de l’Education prétend « donner à l’enseignant un éventail de possibilité, de soutenir sa motivation, de faciliter l’acquisition de nouvelles connaissances, la diversification et le renouvellement des pratiques de classe» ( H. Hammami, J-F. Dutrey, 2006, P.67). Pourtant, les pratiques enseignantes actuelles n’ont pas évolué car elles se contentent le plus souvent d’une simple «mise à jour en méthodologie et en pratique de classe »( Ibid).
Pour Vincent Jouve (2004), on ne peut gommer, dans l’enseignement de la lecture, la dimension subjective puisque celle-ci est « un retour sur soi, une ouverture sur l’altérité mais, aussi, exploration, voire construction de sa propre identité ». On se demande alors quelle formation dispenser aux professeurs pour qu’ils rendent les apprenants aptes à apprécier la lecture des textes littéraires ? De quels savoirs, savoir-faire et savoir-être les formateurs d’enseignants doivent –ils eux-mêmes être pourvus pour former aux pratiques de lecture littéraire des enseignants capables de mener leurs élèves à devenir des sujets –lecteurs ?

Le Forum mondial sur l’éducation, tenu en mai 2015 à Incheon sous l’égide de l’UNESCO et ses partenaires, s’est conclu par la Déclaration d’Incheon pour l’Éducation 2030, un engagement historique de transformer la vie grâce à une nouvelle vision de l’éducation et à des actions courageuses et innovantes pour la réaliser. Le Cadre d’action Éducation 2030, qui établit cette nouvelle vision de l’éducation pour les 15 années à venir, a été adopté par plus de 180 états membres de l’UNESCO. Quatre ans plus tard, à la 9e Réunion mondiale de la Consultation collective des ONG pour Éducation 2030 (CCONG-Éducation 2030), qui s’est tenue en Tunisie en 2019, les organisations participantes ont affirmé que le monde est confronté à une crise éducative, causée par un manque de volonté politique, une faible priorisation de l’éducation et un financement insuffisant. De plus, elles ont constaté une tendance croissante à la commercialisation de l’éducation, ce qui contribue à creuser davantage les inégalités. Les systèmes éducatifs mondiaux ne semblaient pas respecter l’engagement pris dans le programme Éducation 2030. Le ministre de l’Éducation de la Tunisie d’alors avait, à la même occasion, souligné que la plupart des pays n’avancent pas suffisamment pour atteindre les objectifs fixés pour 2030. Il a appelé à une reconnaissance de l’importance stratégique de l’éducation pour toutes les nations et a encouragé la société civile à jouer un rôle majeur dans la mobilisation pour y parvenir.