Pr. Chafra Moez
Monsieur le Président de l’Université Tunis El Manar-Tunisie
Depuis plusieurs décennies au Québec, la formation à l’enseignement s’inscrit dans une perspective de professionnalisation. Selon les orientations ministérielles qui guident les universités, le développement de compétences professionnelles constitue la finalité de cette formation. L’articulation théorie et pratique en est une composante essentielle et, en cohérence, les futurs enseignants poursuivent leur formation à l’université et dans les milieux de stage. Le diplôme obtenu au terme des quatre années du baccalauréat donne accès au brevet d’enseignement délivré par le ministère de l’Éducation. Les enseignants débutants sont alors considérés aptes à exercer la profession dans les écoles primaires et secondaires. Or, leur insertion professionnelle est généralement difficile au point où un fort pourcentage d’entre eux abandonnent la pratique de l’enseignement avant même d’avoir complété quelques années d’expérience. Ainsi, le milieu scolaire fait face à une grave pénurie d’enseignants. La situation étant très préoccupante, il importe de se pencher sur les raisons qui portent à l’abandon de la profession et, à une conséquence possible de ce désenchantement bien connu dans la société, la diminution graduelle du nombre d’individus qui souhaitent s’inscrire aux études en enseignement. À l’heure actuelle, nous savons que plusieurs étudiants formulent des commentaires négatifs à l’égard de la formation reçue (Dufour et al., 2021). La formation initiale ne semble donc pas satisfaisante. Nous avons voulu connaitre et comprendre le point de vue des finissants quant au développement des compétences professionnelles en enseignement. Ce développement professionnel est-il suffisamment favorable à une agréable intégration dans le milieu scolaire ? Le terme compétence réfère au savoir-mobiliser des ressources en contexte d’action professionnelle, mais plus largement à un savoir-agir réussi, lié à une intention et constituant une finalité sans fin (Ministère de l’Éducation du Québec, 2020). Dans cet esprit, le développement des compétences n’est certes pas complété à la fin de la formation initiale, mais la progression vers l’atteinte de ce but devrait être dans la bonne voie. Le développement professionnel, partie prenante de la professionnalisation, est un processus dynamique et continu (Wittorski, 2010). Il renforce l’appartenance professionnelle et l’adoption des manières de faire, de voir et d’être de son groupe pro-fessionnel (Bourdoncle, 2000) qui permettent aux enseignants et aux futurs enseignants de s’ajuster constamment et de résoudre des pro¬blèmes complexes et variés (Guillemette et al., 2019). Nous avons réalisé une recherche qualitative portant sur la satisfaction à l’égard de la formation initiale des enseignants. Les données ont été collectées au moyen d’un questionnaire en ligne auquel 212 finissants québécois ont répondu. Cet outil d’investigation comportait des questions ouvertes qui ont été l’objet d’une analyse de type interprétatif et compréhensif. Les résultats, obtenus selon une logique inductive délibératoire, indiquent que, dans l’ensemble des compétences professionnelles du curriculum, la plupart ont donné lieu à des commentaires de la part des étudiants. Les compétences directement rattachées à l’enseignement et aux relations quotidiennes avec les élèves ont retenu l’attention des participants. Nous en révélerons les points saillants, positifs et négatifs. Les résultats pourront être réinvestis dans l’amélioration des programmes de formation à l’enseignement.
Le Forum mondial sur l’éducation, tenu en mai 2015 à Incheon sous l’égide de l’UNESCO et ses partenaires, s’est conclu par la Déclaration d’Incheon pour l’Éducation 2030, un engagement historique de transformer la vie grâce à une nouvelle vision de l’éducation et à des actions courageuses et innovantes pour la réaliser. Le Cadre d’action Éducation 2030, qui établit cette nouvelle vision de l’éducation pour les 15 années à venir, a été adopté par plus de 180 états membres de l’UNESCO. Quatre ans plus tard, à la 9e Réunion mondiale de la Consultation collective des ONG pour Éducation 2030 (CCONG-Éducation 2030), qui s’est tenue en Tunisie en 2019, les organisations participantes ont affirmé que le monde est confronté à une crise éducative, causée par un manque de volonté politique, une faible priorisation de l’éducation et un financement insuffisant. De plus, elles ont constaté une tendance croissante à la commercialisation de l’éducation, ce qui contribue à creuser davantage les inégalités. Les systèmes éducatifs mondiaux ne semblaient pas respecter l’engagement pris dans le programme Éducation 2030. Le ministre de l’Éducation de la Tunisie d’alors avait, à la même occasion, souligné que la plupart des pays n’avancent pas suffisamment pour atteindre les objectifs fixés pour 2030. Il a appelé à une reconnaissance de l’importance stratégique de l’éducation pour toutes les nations et a encouragé la société civile à jouer un rôle majeur dans la mobilisation pour y parvenir.
La crise éducative, la commercialisation de l’éducation et la non-reconnaissance de l’importance stratégique de l’éducation ont été le moteur qui a motivé une petite communauté tunisienne à organiser et mettre en œuvre, en 2017, un Forum Citoyen International de l’Éducation. Année après année, l’équipe du Forum a fait appel à des partenaires et à des collaborateurs nationaux et internationaux pour susciter des débats et des discussions autour d’enjeux actuels et futurs en éducation afin de mettre la qualité de l’éducation en Tunisie et ailleurs à l’avant-scène. Depuis, le Forum citoyen international sur l’éducation est, désormais, devenu un événement de grande envergure qui mobilise une communauté de plus en plus large de personnes chercheures, étudiantes et professionnelles en éducation, ainsi que des composantes de la société civile.
À 6 ans de l’échéance d’Éducation 2030, et dans la continuité des trois premières éditions du Forum, la quatrième édition sera l’occasion de faire le point sur les défis de la formation des enseignants et de leur insertion professionnelle, d’une part; et sur les enjeux de gouvernance et leurs impacts sur la réussite éducative et sur l’employabilité, d’autre part. Ces deux grands thèmes donneront lieu à des échanges dans une perspective comparative entre les pays et à l’intérieur même des pays. Ils donneront lieu aussi à des partenariats pour la formation et la recherche en éducation. En ce sens, le Forum est en cohérence avec l’Objectif de développement durable 4 (ODD 4 – Éducation 2030) et avec la Déclaration d’Incheon. Il mobilisera des personnes de pays développés, dont le Canada, la France, et la Belgique, et de pays émergents, principalement de la Tunisie, pour un travail en collaboration, car l’investissement en éducation n’est pas seulement financier. Il est aussi, en grande partie, humain.
L’objectif scientifique général de la 4e édition du Forum citoyen international sur l’éducation est donc de susciter des débats qui s’articuleront autour de cinq axes. Chacun des cinq axes et ses sous-axes est abordé sous l’angle de la résolution collaborative de problèmes et devra déboucher sur des pistes d’amélioration de la qualité.